Tout gestionnaire ou professionnel qui gère, transige, collabore ou côtoie des collègues ou employés est inévitablement confronté un jour ou l’autre à des problèmes liés au travail. Nos expériences, nos habiletés personnelles, nos formations nous aident dans plusieurs de ces situations. Mais certaines problématiques du quotidien nous semblent sans issue, perdurent, prennent toute la place et nuisent à notre efficacité et notre bien-être professionnel.
Le codéveloppement professionnel est un perfectionnement de groupe axé sur la résolution des problèmes liés au travail. Pour faire partie de ce groupe, il faut vouloir partager son expérience, les problèmes comme les solutions gagnantes. La valeur ajoutée vient de ce partage, de cette collaboration, de ce groupe d’entraide.
Dans un article précédent en date du 21 mai 2013, je vous présentais les six étapes d’une rencontre d’un groupe de codéveloppement professionnel selon l’approche élaborée par Adrien Payette et Claude Champagne. (1)
Cette fois-ci, je vous propose de comprendre la démarche à partir d’une mise en situation fictive présentée par une responsable/technicienne en service de garde.
1. Présentation de la problématique
Lucie, la responsable/technicienne du service de garde Des fourmis du futur de l’école La machine en ligne, répond à l’invitation de l’animatrice du groupe de codéveloppement et présente son problème à sept de ses collègues de la même commission scolaire. Leur expérience à ce poste varie entre dix mois et dix-huit ans.
Une éducatrice refuse de donner suite aux instructions de ne pas utiliser son cellulaire pour envoyer des messages personnels durant son temps de travail. Ce rappel lui a été fait à quelques reprises depuis le début de l’année. Avec l’appui des autres éducatrices, elle a fait une plainte au syndicat.
Lucie avoue être dépassée par les événements et ne sait plus quoi faire.
2. Clarification de la problématique, questions d’information
À tour de rôle, les participantes questionnent Lucie pour recueillir davantage de faits. Depuis quand cette éducatrice fait-elle partie du service de garde? Est-ce que d’autres éducatrices utilisent leur cellulaire? Combien de rappels lui ont-ils été faits? Comment ces rappels ont-ils été faits? Est-ce que les autres aspects de son travail sont adéquats? Y-a-t-il une réglementation concernant l’utilisation des cellulaires à cette école? La direction est-elle au courant du problème? Qui lui a fait part de la plainte au syndicat? Connaît-elle le contenu de la plainte?
3. Le contrat de consultation
À cette étape, il est important de faire le point afin de bien saisir le besoin de Lucie. Veut-elle de l’aide, des solutions par rapport à la plainte au syndicat, par rapport à son leadership, à sa relation avec le groupe d’éducatrices? Est-ce le soutien de la direction de l’école qui est problématique pour elle? Est-ce un problème de gestion d’une personne en difficulté?
Suite à la période de questions, Lucie mentionne que la plainte au syndicat est l’élément qui la tracasse le plus car elle craint que cela ne débouche sur une plainte pour harcèlement au travail.
4. Réactions, commentaires et suggestions
Comment ses collègues peuvent-elles aider Lucie? L’animatrice rappelle aux participantes l’importance d’offrir à Lucie une diversité de pistes de réflexion et d’action. L’objectif n’est pas d’en arriver à un consensus mais d’offrir à Lucie un éventail de possibilités.
- Rencontrer la directrice de l’école pour élaborer un plan d’action;
- faire appel au Service des ressources humaines de la commission scolaire;
- aborder le sujet avec l’ensemble des éducatrices du service de garde;
- demander à la directrice de rencontrer l’employée concernée;
- consulter la responsable des services de garde de la commission scolaire;
- consulter le programme d’aide au personnel pour l’aider à gérer son stress;
- demander à la directrice de déposer une plainte au dossier de cette employée;
5. Engagement
C’est l’étape importante de la rencontre de codéveloppement. C’est l’engagement qui doit être pris de poser des gestes concrets, de tenter quelque chose, d’apprendre par l’action. Cela demande du courage et de l’implication mais permet de sortir de l’impasse. Cet engagement en présence du groupe favorise grandement le passage à l’action. L’animatrice demande donc à Lucie de choisir une ou des actions facilement réalisables avant la rencontre suivante.
Suite à toutes ces suggestions, Lucie avoue être très anxieuse et plus vulnérable. Elle fera une demande au programme d’aide au personnel. Comme elle connaît bien la responsable des services de garde de la commission scolaire, elle la consultera.
L’animatrice demande à Lucie de prendre note des résultats de ses démarches pour en faire part au groupe lors de la prochaine rencontre.
6.Évaluation de la rencontre
Il est important, à la fin de chacune des rencontres, de faire le bilan du fonctionnement du groupe en demandant à chaque participante ses impressions, ce qui a bien fonctionné, ce qui a été plus difficile. Le groupe s’améliore ainsi d’une fois à l’autre et devient plus efficace.
Lucie remercie ses collègues pour leur grande écoute. Elle a trouvé cela épuisant mais elle se sent déjà mieux. Une autre participante note le climat de confiance et de soutien qui se dégage du groupe. La responsable/technicienne avec seulement quelques mois d’expérience apprécie avoir entendu autant de suggestions de ses collègues. Elle est certaine que cela lui sera utile éventuellement.
Le groupe met fin à la rencontre après trois heures de discussion et se donne rendez-vous dans deux mois.
Louise Dépatie
Consultante en management constructif
(1) Réf.: Payette, Adrien et Champagne, Claude (1997). Le groupe de codéveloppement professionnel, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec