Nos préférences mentales (nos quadrants favoris, pour reprendre Ned Herrmann) ne se montrent nulle part plus fortement que dans notre façon de communiquer avec nos semblables. Combien de fois avons-nous eu cette réflexion (silencieuse bien naturellement!) suite à un échange: Il m’a entendu! M’a-t-il compris? M’a-t-il seulement écouté? Parfois, nous avons l’impression de voir deux îles désertes se croiser au milieu de nulle part.
Chacun des cerveaux (façon de nommer les hémisphères cérébraux) a ses dominances, son langage, même plus, son vocabulaire. Il suffit de jeter un coup d’œil sur ce qui suit pour prendre conscience, que trop souvent, nos dialogues se transforment en dialogues de sourds:[1]
Le quadrant A se préoccupe surtout des faits et s’interroge sur le quoi des choses de façon logique, analytique, technique; il est souvent perçu comme le financier du groupe.
Contrairement à lui, son voisin D est dans l’ordre du pourquoi; il est unificateur, imaginatif, perspicace et visionnaire. L’avenir l’intéresse en premier lieu.
Le quadrant B veut savoir le comment car il aime ce qui est organisé; il ne craint pas de détailler car méthodique et séquentiel. Ce qu’il préfère: formaliser.
Son compagnon C s’inquiète de ses semblables; il a habituellement le qui à la bouche. Il est relationnel, émotif, tourné vers les autres et serviable. Chez lui, les sentiments dominent.
Comment lire ce qui précède pour voir pourquoi on parvient si facilement à établir un dialogue de sourds.
A échange avec C: le premier ne prend en compte que les faits alors que son vis-à-vis se préoccupe des sentiments, ceux des autres et les siens. C est un être d’émotion; A possède la faculté de tout voir de façon logique; la froideur guide ses façons d’analyser une situation, de jauger une personne.
Observons B et D. alors que le premier est dans le formel, à la recherche des détails, le second se plait dans son monde imaginaire tourné vers l’avenir. L’un est séquentiel, l’autre est unificateur.
Herrmann souligne que l’on peut être uni dominant, double, triple ou quadruple dominants. J’y reviendrai plus loin.
Imaginons le dialogue entre un cerveau cortical (A-D) et un cerveau limbique (B-C); les escarmouches ne tarderont pas entre le théoricien, le penseur d’une part et le concret animé de sentiments divers en face!
Il en est de même lorsqu’un hémisphère droit (D-C) et un hémisphère gauche (A-B) entament une conversation. Ce dernier, le formel, ne s’appuyant que sur les faits tentera, sans doute en vain, de faire comprendre à l’émotif, imaginatif, visionnaire, l’importance de bien établir un plan de travail, de se doter d’un échéancier avant de démarrer une tâche. Il voudra tout contrôler, alors que l’autre aura le goût de rétorquer On verra!
L’inverse est aussi vrai. L’employé C-D va vers son patron B-A pour lui proposer une idée extraordinaire afin de faire faire un bond en avant au département dont il a la responsabilité. Les idées foisonnent, les gens seront heureux des changements à annoncer. Le patron, par quelques questions plonge son vis-à-vis dans le doute, voire l’angoisse: Combien cela va-t-il coûter? As-tu un échéancier précis à me proposer? Qui aura charge de quoi?
Les exemples pourraient s’offrir à nous à l’infini!
Quels profits le gestionnaire peut-il tirer dans son travail journalier des propositions de Ned Herrmann? Tant que tout va bien, que les relations sont au beau fixe, que chacun accomplit correctement sa tache, est-il important de se mettre à la recherche des portes d’entrée que son vis-à-vis utilise pour appréhender la réalité? Sans doute pas.
Il en va tout autrement quand se pointe une difficulté;
- rencontrer un parent nettement insatisfait d’une décision de l’enseignante de son enfant;
- amener un adolescent à prendre en compte ses manières cavalières dans ses relations avec ses pairs et les adultes;
- demander à un employé d’être ponctuel au travail.
Ici encore, il devient facile de multiplier des exemples. Si je n’y prends garde, je vais habituellement utiliser mes portes d’entrée, mon langage afin d’établir le dialogue. Comment mon interlocuteur se sent-il rejoint par ma façon de m’exprimer, par mes émotions ou l’absence de celles-ci, par mon humour ou par une remarque trop acerbe?
Souvent le non verbal de l’autre suffit pour me pister; je constate que je fais chou blanc. La cible visée n’est pas atteinte. Le risque devient grand, voire inévitable, que tous les deux nous sortions perdants de l’échange même si les bonnes intentions, de part et d’autre, étaient au rendez-vous.
À chacun sa porte d’entrée! En voici la démonstration selon Ned Herrmann; je vous suggère de porter attention sur la façon dont chaque dominance perçoit sa réalité qui devient alors LA réalité.
Pour le quadrant C, l’approche est émotionnelle, relationnelle orientée vers la prise en compte des sentiments. La question importante à laquelle il se doit de répondre: Comment vais-je toucher les autres? Cependant il risque de négliger les faits du A et la planification du B.
Voyons le A qui a une toute autre vision de la réalité: son approche sera abstraite, fondée sur les données et habituellement théorique. Sa question sera: Ai-je tous les faits? Cependant, il sera susceptible de négliger les sentiments du C et les opportunités que verrait le D.
Son vis-à-vis du mode cortical, tout comme lui, voit cependant la réalité de façon combien différente; son approche est imaginative, orientée vers l’avenir. D ne craint pas la prise de risque. Sa question: Ai-je vu toutes les possibilités? Il pourrait facilement négliger les détails du B et la faisabilité du A.
Enfin comment seront les perceptions du B? Sa façon d’appréhender le réel est bien définie: son approche est organisée, conservatrice, procédurale. Comme on peut s’y attendre, sa question sera: Aurais-je le contrôle? Il sera cependant susceptible de négliger les idées nouvelles, la vue d’ensemble du D et aussi les sentiments du C.
En conclusion, par la prise en compte des dominances cérébrales dans le cadre du neuromanagement, il est tout à fait pertinent d’affirmer qu’une meilleure compréhension du fonctionnement du cerveau, de la façon dont chacun a de saisir la réalité ne pourra que mieux aider le gestionnaire à gérer le changement.
[1] Ned Herrmann, Les dominances cérébrales et la créativité, p. 47